TOME I
en construction PSYCHOTHERAPIES :
UN FAIT SOCIAL TOTAL
FONDEMENTS POUR UNE
ANTHROPOLOGIE PSYCHOTHERAPIQUE
En ce début de XXIe siècle, la psychothérapie – ce terme englobant toutes les méthodes y compris la psychanalyse – se présente comme un fait social majeur en Occident et se répand à grande vitesse sur les autres continents. En France, près de 5% de la population est – ou a été – en psychothérapie, ce qui représente près de trois millions de personnes. Il s’y trouve de soixante à quatre-vingt mille professionnels s’affichant comme psychothérapeutes sous des appellations variées. Il existe près de sept cent méthodes psychothérapeutiques sans oublier d’innombrables variantes qui restent confidentielles.
La psychothérapie en ce siècle
Ces chiffres suffisent pour fonder l’idée que la psychothérapie est un fait social que les sectes – et les autres opportunistes – récupèrent déjà et que l’état français se sent obligé de réglementer. Mieux encore, cette nouvelle activité est un
« fait social total ».
Ce concept nous vient de l’anthropologie, de Marcel Mauss plus précisément, via Durkheim, qui l’a appliqué aux rituels du don dans son magnifique « Essai sur le don ». Les rituels tel le potlatch sont des faits en soi, des faits sociaux qui ont leur sens en soi et qui ne nécessitent pas d’explication supplémentaire qu’elle soit psychologique, philosophique ou religieuse.
Nous proposons de considérer ici la psychothérapie prise dans sa globalité comme un « fait social total » du même ordre, ayant son sens en soi, au sens social et civilisationnel, au-delà des contenus précis de telle ou telle pratique ou théorie particulière. Et c’est cette caractéristique qui mérite la naissance d’une « anthropologie psychothérapique » dont nous proposons ici les fondements avec le travail d’intégration comme condition préalable.
A l’autre bout du spectre se situe l’individu, l’un de ces trois millions de Français qui se trouve dans un
« processus existentiel crucial ».
S’il est fou, malade, souffrant, empêtré dans des problèmes ou tout simplement en recherche et interrogation, c’est que ça coince dans son développement personnel et/ou social. La vie a la caractéristique fondamentale de se développer spontanément, de s’auto-organiser, de se complexifier en cette autopoïèse chantée par Varela et Maturana. Notre patient est bloqué dans, a bloqué sur, le processus d’auto-organisation ; il est figé devant une bifurcation, crucifié sur un choix. Il se débat avec le cheminement ontogénétique et cela devient suffisamment crucial pour qu’il entreprenne cette psychothérapie que le fait social psychothérapique lui propose et recommande.
Du temps des Charcot, Janet, Bernheim et de leur hypnose, cet individu était d’abord un malade. Avec Freud et la psychanalyse, il s’est muté en intello-bobo et, plus récemment, en créateur culturel. Ce qu’élite fait, peuple veut et le 9.3 y a droit aussi. Pour terminer enfin par une loi !
En face, est planté le thérapeute/analyste comme
« acteur professionnel global »,
acteur pris dans ce fait social total, acteur socialisé, réglementé, entrant dans les guerres d’écoles sinon scolastiques, brandissant livre noir et anti livre noir. Il avait déjà une éthique, une déontologie, le voici affublé d’une loi en attendant les décrets et arrêtés.
Les élèves en psychothérapie qui ne viennent pas d’un métier de la santé ou de la psy montrent bien cette inscription sociale, venant souvent après un bilan de compétence et exigeant une reconversion professionnelle subventionnée. Socialement marqué, ce thérapeute se consacre totalement à l’individu pris dans son processus existentiel bloqué. C’est pourquoi l’engagement du psychothérapeute est global, social et personnel, objectif et subjectif, partisan et intégratif. Il est à la fois l’expert de la stabilité de la société et le créateur de nouvelles formes d’avenir. Cela va encore bien plus loin puisqu’il joue et rejoue la lutte entre la santé et la maladie, entre le bien-être et le mal-être et même entre le bien et le mal tout bonnement.
La psychothérapie, reflet de la société
Au-delà des règles religieuses, au-delà des usages moraux, le psychothérapeute se fait embrigader dans les enjeux du normal et de l’anormal. Le « fait social total » entraîne son acteur global au cœur même de son fonctionnement. Ça grenouille en psychothérapie comme en société.
Freud trouve enfin ses historiens, après avoir connu les seuls hagiographes ; on a beau les accuser de Freud-bashing, ils ne nous en livrent pas moins des vertes et des pas mûres : mystification sur les emprunts des principaux concepts, falsification de rêves et de cas cliniques, utilisation des règles de marketing les plus rudes, aprêté au gain, aux dons et même aux jupons… Faites ce que je dis et pas ce que je fais : papa Sigmund a analysé lui-même ses six enfants…
Ferenczi a soigné une mère et sa fille, puis essayé la mère et la fille en vue de justes noces pour se rabattre finalement sur la mère, et se débarrasser de la fille en l’envoyant chez Freud.
Lacan était le parfait ancêtre des créateurs culturels et autres bobos ou nonos. Toujours à la pointe de la dernière théorie à la mode qui devait définitivement fonder la psychanalyse en inconscient et science : psychiatrie pure et dure, philosophies marxiste puis linguistique, structuralisme, algèbre, topologie et enfin ficelles à la mode borroméenne et discours hermétique – pas toujours herméneutique.
C’est que l’accès à l’inconscient, ce n’est pas rien ! Freud, Ferenczi, Lacan, choisis parmi tous les autres, illustrent les difficultés à éveiller les processus inconscients, énergétique pour Freud, affectif pour Ferenczi, mental pour Lacan. On pourrait ajouter Jung qui a titillé l’inconscient spirituel et qui a réussi à faire coexister épouse et maîtresse, les deux étant de ferventes analystes jungiennes. Les processus inconscients sont terribles, comme les processus mystiques ou artistiques.
Devant ce mal absolu, les comportementalistes réagissent en nous traitant comme des chiens de Pavlov. On ne risque ni dépendance ni névrose de transfert, on est objectif, technique, efficace. Du genre d’efficacité qui aboutit à étouffer la planète.
N’oublions pas les courants dits humanistes et somatothérapiques, issus de mai 68 que renient gaillardement Bush et Sarko. Ils ont poussé du côté de l’émotion, du toucher, des états de conscience modifiés jusqu’au mysticisme, pensant que la société suivrait là où ça fait du bien, au patient parfois, au thérapeute plus souvent. Car la société en est à vouloir détecter les délinquants à l’âge de trois ans, à vouloir renvoyer les pédophiles à leurs gènes, au lieu du sans gêne.
Tout cela pour illustrer cette insertion du psychothérapeute dans la société d’une part, dans les processus les plus dérangeants de l’individu d’autre part, dans l’ordre et la créativité, dans le bien et le mal, la guerre et la paix.
La guerre justement : guerre des comportementalistes contre les psychanalystes et vice versa ; guerre des écoles, guerre des justes et des sectaires, guerre au sein des écoles… La psychothérapie est un fait social… comme les autres. Et c’est là que le bât blesse. On pourrait se faire moraliste et tancer ce petit monde qui donne le mauvais exemple ; on pourrait se faire utopiste et penser que ce beau monde va sauver la terre après son frère. Non. C’est ailleurs que ça se passe, dans la dynamique même de la psychothérapie vue comme fait social. En tant que telle, elle est tout simplement animée d’une dynamique qui la fait passer du conflit à la sécurité puis à l’intégration.
La psychothérapie et la sociodynamique
Nous étudierons longuement la « socio-dynamique » avec les quatre étapes universelles :
Conflit => sécurité => consensus => don.
Le conflit, nous l’avons vu. Pour en sortir, en bonne sécurité, on assigne des rôles : aux comportementalistes, les thérapies courtes ; aux psychanalystes, les cures longues. Mais ça ne suffit pas à ce fait social malgré tout humaniste : il lui faut du consensus, du sens commun… La psychanalyse se raccourcit en cure « brève », le comportementalisme s’allonge du cognitif, de l’émotionnel et même du méditatif… Le systémisme redécouvre la narration et les somatothérapies s’essayent au stratégique. Voilà les prémisses de… l’intégration, car c’est bien cela le véritable consensus qui n’est pas pour autant la dernière étape socio-dynamique : le monde professionnel accède aussi au don : il accepte alors de reconnaître l’une ou l’autre création individuelle qui vient à nouveau enrichir un monde certes consensuel mais tenté par le nivellement égalitaire, même si cette nouveauté dérange initialement.
Cette tirade épique issue elle aussi d’un moment de créativité sensée en phase avec le groupe professionnel, cette tirade je veux la laisser introduire ce livre, le douzième de ma carrière d’écrivain, qui vient après neuf années de silence, de méditation et de réflexion pendant lesquelles j’ai basculé du rôle de psychothérapeute à celui de formateur de psychothérapeutes. D’où ce manuel.
La psychothérapie au chevet de la planète
Mais ce long silence m’en a aussi amené à plus de profondeur, à plus de responsabilité, à aller au-delà du seul bonheur de créer une nouvelle approche des psychothérapies. Cette retraite dans le havre de la campagne alsacienne m’a révélé le seul enjeu encore valable pour un thérapeute – et un citoyen – à savoir la survie de l’espèce, de l’espèce humaine. Car l’humanité est la première espèce qui s’est arrogée la capacité de s’autodétruire en tant qu’espèce. Et tout ce que l’homme sait faire, un jour il le fera !
Alors à quoi bon soigner les tics et les tocs, si on ne se libère pas des griffes de la serre.
Freud en faisait déjà la remarque, peu avant de rappeler à son médecin sa promesse de l’euthanasier : « N’est-ce pas étrange que nous puissions passer des années à tenter d’aider un patient alors que des milliers d’êtres humains peuvent être tués d’une bombe en une seconde ? » (selon Schmideberg, 1938).
La seule question vraiment pertinente de nos jours doit résonner à nos oreilles, y créer un bruit de fond sinon des acouphènes pour donner sens à toutes les autres questions. Les autres questions, ce sont, ici, la psychothérapie et l’anthropologie. En effet, ce sont les deux lieux les plus à même d’empoigner « la » question par la pratique et la théorie, par le faire et le savoir, en une interaction féconde. La psychothérapie scrute au plus profond cet être qui court vers le précipice. La première se coltine le plus-de-jouir de l’individu. La seconde s’essaye au plus-d’-avoir de la civilisation. Les deux sciences s’effrayent de cet humain et de cette humanité qui succombent à la pulsion parce qu’ils ne veulent plus gérer la pulsation.
Logos en sa pensée,
Téchnè son bras armé,
Chaos ont engendré.
Ethos peut l’éviter.
Ethos, c’est la psychothérapie et sa sagesse de l’être, son ontosophie. Deontos, c’est l’anthropologie et sa sociodynamique universelle :
conflit => sécurisation => consensus => don.
Quant à nous, nous avons à proposer des éléments de réponse. Nous avons à nous atteler à la tâche dans la mesure de nos moyens. Or ces moyens ont été évoqués, ce sont la psychothérapie, l’anthropologie et la toute nouvelle anthropologie psychothérapeutique que nous voudrions fonder ici. Mais à quel titre ?
- comme psychiatre psychothérapeute, créateur des trois somatanalyses, concepteur de la catégorie des somatothérapies et initiateur de la quatrième étape de l’intégration des psychothérapies ;
- comme docteur en sociologie et ethnologie, major de l’internat de Dakar, sociothérapeute et socioanalyste ;
- comme gestionnaire de la pléni-intégration des psychothérapies qui est élevée au rang méthode et de paradigme
Revenons donc modestement au climat de nos deux sciences d’origine, de leur couplage en une nouvelle branche, sans oublier que les griffes y sont tout autant acérées et la chaleur, torride. Ce ne seront que de rapides esquisses qui devraient être développées dans un futur tome trois de ce manuel :
- la psychothérapie comme anthropologie ;
- l’anthropologie comme psychologie ;
- l’anthropologie psychothérapique.
La psychothérapie comme anthropologie
Nous verrons longuement dans la suite de ce texte que « ons, ontos » (l’être) se constitue de trois dimensions fondamentales : psycho-, somato- et socio- ; conscience, corps et communauté. L’idéal résiderait en une dévolution équilibrée d’un tiers de prévalence pour chacune de ces dimensions. A elles trois, elles constituent l’holanthrope (holos=entier), terme redondant malheureusement nécessaire pour rappeler la globalité de l’être. Il y a donc socio- pour un tiers, ce qui laisse entrevoir que le monde de la psychothérapie s’intéresse aussi à la dimension sociale, communautaire, anthropologique.
L’illustration sera simple et sommaire. Freud a commis deux œuvres anthropologiques, Totem et Tabou et le Moïse, des « just so story », des mythes modernes qui ravissent encore les psychanalystes. Wilhelm Reich a pillé Malinowski et sa description – idyllique – de la sexualité des Trobriandais pour lancer le brûlot de l’époque : L’irruption de la morale sexuelle. Quant à Géza Roheim, l’ethnologue, il s’est fait le VRP du complexe d’Œdipe jusqu’à prétention à son universalité. Ma thèse de sociologie/ethnologie participe à ce domaine : Bisexualité, inceste et prohibition de l’inceste, psychanalyse et analyse structurale du mythe dogon (Paris V, 1978).
Mais c’est avec les sociothérapies et les socioanalyses que la psychothérapie (prise au sens large) apporte son écot : training group de Kurt Lewin, psychodrame de Moreno, psychanalyse de groupe d’Anzieu, socio-somatanalyse enfin. Alfred Adler, temporaire compagnon de route de Freud, a couronné son œuvre avec la mise en exergue du « Gemeinschaftsgefühl », du sentiment communautaire. Les sociothérapies se révèlent des lieux d’observation privilégiés de la sociodynamique (ou dynamique de groupe) parce qu’ils constituent des microcosmes à la fois bien supervisables tout en manifestant les caractéristiques du macrocosme social. Ils sont à l’anthropologie des sociétés modernes, trop complexes, ce qu’est l’ethnographie des populations restreintes aux dynamiques (presque) transparentes.
Mais l’anthropologie des psychothérapies est largement biaisée par une erreur de… Freud qui induit bien des erreurs. Freud a établi une quasi équivalence entre les processus de l’individu (la psychodynamique) et les processus sociaux (que nous appelons sociodynamique). C’est ainsi que l’école de feu Didier Anzieu continue à parler d’inconscient de groupe, d’appareil psychique groupal ou d’illusion groupale. Pour notre part, nous ferraillons depuis toujours pour la reconnaissance de deux dynamiques distinctes. L’actualité nous en apporte une illustration avec le dernier livre de Maurice Godelier, Au fondement des sociétés humaines ; ce que nous apprend l’anthropologie. Les textes de ce livre reprennent des conférences et des discussions avec des psychanalystes et sont donc nuancés et néanmoins éclairants. Pour commencer citons deux « vérités » auxquelles Godelier veut tordre le cou :
« - Les rapports de parenté et la famille sont partout au fondement de la société sans classes et sans Etat qu’on appelait autrefois « primitive ».
- Un homme et une femme produisent des enfants en s’unissant sexuellement » (Godelier p. 34).
Et voici le rétablissement des nouvelles vérités :
« - Il n’existe pas, et il n’a jamais existé, de sociétés fondées sur la parenté. Les rapports de parenté, et encore moins la famille, ne sauraient constituer le lien qui unit différents groupes humains de manière à faire une société.
- Nulle part, dans aucune société, un homme et une femme n’ont jamais été pensés comme suffisants pour faire un enfant. Ce qu’ils fabriquent ensemble, ce sont des fœtus que des agents plus puissants que les humains, des ancêtres, des dieux, Dieu, transforment en enfant en les dotant d’un souffle et d’une ou plusieurs âmes » (o.c. p. 35).
Nous avons là une première position sur la séparation de l’individuel (parenté, sexualité) et du social (transcendance du groupe et de la réalité politico-religieuse).
Voici une deuxième affirmation tout aussi péremptoire, quoique nuancée, de la séparation du psychodynamique et du sociodynamique :
« On peut définir le sujet social comme un individu inséré dans un réseau de rapports aux autres qui font sens pour lui et pour les autres, et conscient de l’être, capable d’agir sur lui-même et sur les autres pour pérenniser ces rapports ou les faire évoluer, voire les faire disparaître, mais incapable à lui seul, et en dehors d’un contexte global très particulier, de modifier les structures d’ensemble de la société dans laquelle lui et les autres vivent et co-interagissent. Ce réseau de rapports qui partent de lui ou aboutissent à lui définit les diverses facettes de son identité sociale. Mais ses rapports à un certain nombre d’autres et à lui-même sont eux-mêmes toujours immergés dans un champ d’autres rapports qui ne passent pas par lui et qui relient entre eux les autres membres de sa communauté ou de sa société » (o.c. p. 180).
Cette définition du sujet social enlève aux psys toute compétence à parler de faits sociaux.
« Il semble évident que la psychanalyse (et avec elle les sciences psychologiques) ne peut rien nous apprendre sur les raisons qui ont abouti à l’apparition, puis à la disparition, au cours de l’histoire, de ces différentes formes de sociétés, tribales, étatiques, avec ou sans castes ou divisées en « ordre » ou en « classes ». Et encore moins peut-elle nous expliquer les forces, les causes et les événements qui ont poussé ces sociétés à évoluer, à se transformer de façon souvent irréversible en d’autres formes de vie sociale. C’est-à-dire vers d’autres formes d’identité sociale des individus, vers d’autres types d’acteurs sociaux, bref, vers d’autres types de sujet social » (o.c. p. 181).
Quant à cette sociodynamique qui s’invite dans toute socioanalyse, elle sera largement décrite plus loin.
L’anthropologie comme psychologie
Les sociologues, et mêmes ethnologues et tous nouveaux ethnométhodologues, s’intéressent depuis longtemps aux écoles de psychothérapie tout comme à la psychiatrie. Robert Castel s’affronte longuement au psychanalysme. Les nouvelles thérapies humanistes et psychocorporelles ont suscité des approches sociologiques comme celle d’Eliane Perrin, Culte du corps. Les journalistes s’intéressent beaucoup à toutes les nouveautés et se réfugient derrière une pseudo-sociologie pour faire du spectaculaire. Moi –même j’ai écrit une Sociologie des nouvelles thérapies pour la revue Psychothérapies (in Meyer 1985).
Les sociologues vont plus loin et abordent les problèmes voués aux thérapeutes avec leur regard d’anthropologue. C’est ainsi qu’Alain Ehrenberg se spécialise dans La fatigue d’être soi, dépression et société, et que Jean-Claude Kauffmann développe Ego, pour une sociologie de l’individu, une autre vision de l’homme et de la construction du sujet et L’invention de soi, une théorie de l’identité. Voilà deux contributions récentes qui ont un certain succès d’édition. Ces livres sont instructifs pour les psychothérapeutes dans la mesure où ils obligent à se décentrer des ouvrages habituels quelque peu répétitifs. Mais il ne s’agit pas encore de cette anthropologie spécialisée que nous voulons esquisser à présent.
Esquisse d’une anthropologie psychothérapeutique
Dans la mesure où la psychothérapie touche cinq pour cent de la population et devient donc un fait social total, dans la mesure où la psychothérapie est le lieu privilégié de l’abord de l’individu moderne, dans la mesure où les psychothérapeutes se permettent de faire de l’anthropologie et où les anthropologues abordent la dimension de l’individu… il est légitime de proclamer la naissance de l’anthropologie psychothérapique. (Et peut-être est-elle déjà évoquée ailleurs !). Et, comme toute science, cette nouvelle branche de l’anthropologie doit avoir :
- un objet
- des méthodes
- des acteurs
- et des œuvres.
L’objet
La psychothérapie, évidemment, mais aussi l’anthropologie. Pour notre praxis, s’impose une histoire qui ne serait pas de l’hagiographie (à la Ernest Jones, sur Freud) ni de la seule historicité (comme la font les tenants du dit Freud-bashing) mais un regard socio- et ethno- logique. Parce qu’il y a des familles, chapelles, clans, dissidences et fédérations. Il y a des courants. J’ai moi-même proposé les quatre temps historiques des somatothérapies : fonctionnelles (1920), émotionnelles (1960), sensuelles (1970), transpersonnelles (1980) puis les deux filiations reichienne et ferenczienne avec ses efflorescences en post- et néo- (reichien, ferenczien). Les créateurs de méthodes et théories qui deviennent parfois des maîtres à penser, tels Freud dès 1920-1930 ou Reich en 1968, méritent une approche analogue aux créateurs de nouvelles religions, aux politiciens charismatiques par exemple. Que veut dire le succès récent de l’EMDR avec Francine Shapiro comme conceptrice et David Servan Schreiber comme héraut ? Enfin il y a les relations avec la société à travers les enjeux de la médiatisation notamment. La valeur de l’EMDR dépend-elle de l’impact du neveu de Psychologies Magazine (DSS) ? Quel est l’influence du journal Le Monde dont la vulgarisatrice est une psychanalyste partisane (Elisabeth Roudinesco) ?
Mais l’objet de l’anthropologie psychothérapique s’innove sur l’autre versant : une anthropologie nourrie par l’expérience et le penser psychothérapiques/ psychanalytiques. Ce premier tome d’une série que j’espère longue veut en être une esquisse et, peut-être, un fondement.
Les méthodes
Elles seront une recombinaison créative des méthodes issues des deux branches. L’observation participative de Malinowski et des anthropologues (« L’immersion du chercheur dans la société qu’il entend étudier et pendant une période assez longue, habituellement une à deux années » (Deliège p. 143). ) se confrontera aux neutralité/abstinence du psychanalyste et à la « présence, positivité, plénarité » du psychothérapeute pléni-intégratif. Ces attitudes sont-elles compatibles, adoptables par une seule et même personne ? La formation de notre école, l’Ecole Européenne de Psychothérapie Socio- et Somato- Analytique le teste sur ses mille élèves et praticiens formés.
Et il y a les méthodologies/épistémologies propres à l’anthropologie : le fonctionnalisme (anglais), le structuralisme (français), le culturalisme (américain), le marxisme (M. Godelier cité ci-dessus) parmi les principales. Y aurait-il aussi un psychanalysme depuis G. Roheim ?
Nous ne pouvons pas ignorer les propositions plus récentes de déconstruction (Derrida) et de constructionisme. Dans ce livre nous nous inspirerons fondamentalement des fonctionnalisme et structuralisme, avec notre modèle « structuro-fonctionnel » en particulier, et nous nous essayerons aux joies des déconstructions et constructionismes. Nous insisterons un peu plus loin sur la méthode structuraliste.
Les acteurs
S’il est assez académique pour un psychothérapeute d’acquérir les qualités de l’anthropologue, il semble plus complexe de faire l’acquisition inverse. Le chercheur en anthropologie psychothérapique devra-t-il se soumettre à une psychanalyse longue ? Il risque de devenir un fan ! Restera-t-il en dehors de cette expérience comme Sartre ? Il risque sa crédibilité. Nous prônons quant à nous l’expérience pluri-globale : s’engager dans un petit nombre de méthodes, non pas choisies de façon éclectique mais faisant globalité. Nous décrirons un cursus plus loin.
Les œuvres
Elles existent déjà sans nécessairement en porter la casquette. Je propose d’inclure ce livre dans le lot, d’en faire éventuellement le démarrage, de le développer dans le tome II. (Le tome II en cours d’achèvement traite de l’intégration des clinique et psychopathologies).
Voilà les grandes lignes de l’anthropologie psychothérapique qui n’existera que si de nombreux parrains et marraines le portent au baptistère. Ce sera peut-être vous, cher lecteur, chère lectrice.
Mais revenons à notre propos initial. Nous proposons une nouvelle étape de la démarche intégrative des psychothérapies, c’est l’essentiel de ce livre. La méthodologie et l’épistémologie de cette démarche s’inspirent largement de l’anthropologie. Ce télescopage débouche sur la nouvelle branche de l’anthropologie psychothérapique. Il y aurait là suffisamment de nouveautés pour justifier cette triple démarche et nous restons évidemment concentré sur ces bases objectives.
Mais, aujourd’hui où on nous annonce que les mers et océans vont monter d’un à deux mètres, que la température va croître de deux à cinq degrés (et qu’on ne pourra plus produire que du vin rouge en Alsace, le Gewürztraminer se délocalisant en Angleterre !), qu’on jettera un milliard de personnes dans des « migrations climatiques », qu’il faut rapidement ajouter aux taxes écologiques une pathologie éco-, « l’écolose »… Aujourd’hui on ne peut plus exclure la question de notre survie d’une démarche à la fois soignante et socialisante comme la nôtre, psychothérapique et ethnologique.
A cet effet, je propose très simplement de faire de la « démarche intégrative en psychothérapie », un modèle pour promouvoir la « démarche interactive pour l’écologie » ! Œuvrer ensemble, très modestement ! Récupération ? Cannibalisme ? Biais scientifique ? Appropriation hypocrite ? Contre-transfert mal résolu ? L’enjeu est trop important pour pinailler !
Mais revenons à notre tâche méthodologique et épistémologique avec :
- un préalable à cette anthropologie psychothérapique : l’intégration des psychothérapies ;
- un processus privilégié issu de l’anthropologie : le saut structuraliste de pluriglobalité.
L’intégration des psychothérapies comme préalable à une anthropologie psychothérapique
Voilà quarante ans que je pratique l’anthropologie et la psychothérapie et pourquoi leur rencontre ne se fait-elle que maintenant ? Parce qu’il manquait son préalable indispensable, à savoir l’intégration des psychothérapies. Tous les auteurs savent que les introductions et autres préfaces de livre ne s’écrivent qu’à la… fin. Il en va de même ici. Ce n’est que lorsque l’essentiel de cette construction intégrative s’est présenté grâce à l’écriture de ce livre que l’intuition – et la nécessité – de l’anthropologie psychothérapique s’est imposée. J’en fais donc aussi un préalable à cette nouvelle branche des sciences humaines.
L’objet se propose enfin à l’étude. Le « fait social total » est avéré de par son importance (trois millions). « L’objet d’étude global » est préparé, travaillé, prêt à l’emploi. Comment pourrait se construire une approche scientifique si on n’avait que le psychanalysme de Castel, la vulgarisation de Servan Schreiber, le marketing de Roudinesco ? Comment ferait « l’observateur participant » avec les sept cents méthodes ? Comment pourrait-il les réduire en deux douzaines de thérapies vraiment différentes et pertinentes ? Comment accélérerait-il cette préparation des données que je mets quarante ans à systématiser ?
La réponse gît dans les quatre cents pages à venir et dans les deux tomes suivants déjà bien avancés (de quatre cents pages chacun aussi). Et comme nous le verrons, il ne s’agit pas de ce que proposent les nombreux traités de psychothérapie où vingt auteurs développent vingt méthodes juxtaposées ! Ce livre le démontrera.
Sans démarche intégrative, pas d’anthropologie psychothérapique véritable. Et, en une véritable interaction circulaire, sans anthropologie, pas de véritable intégration des psychothérapies !
Le postulat structuraliste de pluriglobalité
En effet, l’anthropologie nous fournit l’outil méthodologique décisif pour postuler à la pléni-intégration, c’est l’outil structuraliste. Retour à ma thèse d’ethnologie : l’analyse structurale du mythe dogon. J’avais sélectionné neuf versions du mythe qui couvraient l’ensemble du contenu, dans ses versions superficielles et secrètes, dans les approches des principaux ethnographes. C’était pluriel. Ensemble, ça devenait global et s’agençait comme une structure de base (présentée plus loin).
Cette structure est plus que la somme des éléments. Elle recèle une nouvelle réalité qui enrichit les éléments de départ : c’est le postulat structuraliste de pluriglobalité. Cette dénomination quelque peu étrange répercute totalement le concept de structure et se veut en même temps descriptive et explicative.
Pour les psychothérapies, il faut envisager les sept cents méthodes (comme les neuf versions du mythe), en faire une globalité qui révèle sa structure interne (très proche de la structure du mythe d’ailleurs), et déduire de cette structure les enseignements nouveaux. Son illustration est à quatre cents pages d’ici ! Sa théorisation, la voici.
L’être humain étant fondamentalement complexe, sa description phénoménologique, praxique et/ou théorique ne peut être chaque fois que partielle.
A un certain niveau de multiplication, ces approches particulières sont suffisamment nombreuses pour susciter le saut intégratif qui fait passer cette pluralité en une globalité : les apports spécifiques sont suffisants pour figurer, sinon le tout, du moins le plein de l’être ; à ce moment, la somme est plus que la simple addition des parties, elle devient structure, et cette pleine structure acquiert des caractéristiques nouvelles qui à la fois définissent l’holanthrope dans son unité et enrichissent chaque élément partiel à partir de cette unité.
Dans notre domaine de la psychothérapie et de la psychopathologie, ce saut qualitatif advient dans les quatre domaines suivants qui sont totalement décrits :
- l’ensemble des méthodes thérapeutiques (psycho-, socio- et somato-) dans la dimension praxique ;
- l’ensemble des théories d’école dans la dimension noétique ;
- l’ensemble des pathologies répertoriées par les principaux manuels de psychopathologie (DSM et CIM) comme contrepoint à la praxis et à la noésis ;
- l’ensemble des treize troubles de la personnalité comme sous-ensemble distinct de cette psychopathologie (DSM et CIM) ;
Ces quatre ensembles forment des structures intermédiaires et, réunis, invitent à un saut intégratif supérieur. Ce dernier peut-être rapproché de démarches intégratives analogues faites aux niveaux philosophiques, religieux, mythologiques (comme l’a fait Lévi-Strauss) par exemple. Mais notre démarche ontothérapeutique-ontopathologique présente l’avantage sur les pures sciences d’allier noésis et praxis, pathie et thérapie, à savoir d’apporter une validation intrinsèque de la théorie par la praxis, de la pathologie par sa guérison et vice versa.
Ce saut intégratif relève de la méthode hypothético-déductive et comprend sept étapes principales. Les quatre premières construisent l’hypothèse centrale et les trois suivantes déduisent les enseignements de ce saut qualitatif structuraliste.
Construction de l’hypothèse structure
1) Répertorier l’ensemble des approches partielles représentatives du domaine retenu, délimité et (presque) totalement décrit.
2) Extraire les invariants communs à ces approches partielles.
3) Intégrer ces derniers en une structure simple et modélisée autour de ces invariants.
4) Assigner à chaque élément partiel sa place propre dans la structure.
Enseignements déduits de la nouvelle structure
5) Valider la structure comme globalité de par l’occupation de tous ses lieux, pôles et/ou vecteurs, par les éléments partiels, sans forçage ni fausse fenêtre.
6) Lire les enseignements nouveaux jetés sur chaque approche partielle de par ce positionnement à la fois différentiel et complémentaire.
7) Déduire de cette nouvelle entité, intégrale et structurale, tous enseignements évidents, nouveaux et probablement étonnants.
Application de la méthode structuraliste
L’illustration du postulat structuraliste de pluriglobalité est à… quatre cents pages d’ici ! Cette façon d’écrire rappelle le titre du livre de Casriel, l’un de nos maîtres : A scream away from happiness, le bonheur est à un cri de là. Mais en voici déjà le résumé, réduit aux quatre étapes principales :
- répertorier l’ensemble des méthodes,
- extraire les invariants,
- modéliser la structure,
- lire les enseignements nouveaux.
Répertorier l’ensemble des méthodes thérapeutiques
Il y en aurait près de sept cents ? Ce chiffre est métaphorique parce qu’il y en a à la fois plus et moins. Nous répertorions dans ce livre une bonne centaine d’entre elles, connues comme psychothérapies (au sens restreint), sociothérapies, somatothérapies, comme thérapies et analyses. Nous couvrons largement les cinq courants classiques : cognitivo-comportemental, systémique, psychanalytique, psycho-corporel, humaniste et le sixième, intégratif. Certaines méthodes sont longuement présentées, déconstruites, mises en concordance tels les trois somatanalyses, l’EMDR, l’isolation sensorielle (tanking), les trois courants psychanalytiques (freudien, ferenczien, reichien), le rebirth et la méditation, l’art-thérapie.
Ce répertoire couvre l’ensemble des thérapies/analyses occidentales et constitue la globalité qui donne accès aux invariants fondamentaux.
Extraire les invariants
Les éléments de base qui construisent une méthode thérapeutique diffèrent des critères de catégorisation utilisés ci-dessus. Ils se situent en-deça de psycho-, socio- et somato- et représentent des « facteurs organisateurs » universels :
- le canal de communication : verbal, corporel ou médiatisé (art) ;
- le cadre de vie : solo, duo, conjugo, groupal ;
- la durée : courte (6 mois), moyenne (1 à 2 ans), longue (des années)
entre autres.
Modéliser la structure
Des tableaux mettront l’ensemble des méthodes en structures simples où chaque méthode trouve sa place différentielle et complémentaire.
Lire la structure pour en tirer les enseignements
Nous en annonçons quatre, de ces enseignements :
- les étapes de la démarche intégrative,
- le couplage méthode-pathologie à partir des facteurs organisateurs (de la méthode) et des paramètres diagnostiques (de la maladie),
- une théorisation méta débouchant sur le paradigme holanthropique,
- une attitude nouvelle pour le thérapeute/analyste, « en démarche », présente, positive, plénière.
L’écriture et la forme de ce livre
La douzaine de livres déjà publiés (dont certains en collaboration) a posé les jalons de cette étape cruciale de la pléni-intégration qui a elle-même nécessité neuf années de silence. Ces livres sont épuisés pour la plupart et nous proposent des extraits très éclairants de la démarche intégrative déjà esquissée tout du long ; j’en citerai quelques uns.
Nous tomberons donc sur des écritures diverses, plurielles comme les thérapies, globales comme une structure unique : la psychothérapie. Or cet objet est à la fois :
- construction pratique et logique,
- théorie intuitive et rationnelle,
- clinique et vécu du patient,
- être thérapeute en relation avec ce patient.
Ces multiples aspects se présentent de façon schématisée, structurée et… austère. J’ai gardé cette présentation systématisée qui correspond à l’objet même, à la méthodologie de l’intégration.
Les longs passages qui commentent la méthodologie et l’épistémologie présentent également une charpente bien visible mais les poutres sont sculptées et agrémentées par des évocations de grands psychothérapeutes (et de leurs petites histoires), des allusions aux guerres entre les écoles, des commentaires personnels qui vont des règlements de compte (parfois mesquins) aux grandes envolées épiques. C’est humain ! Nous verrons ainsi les étapes de la construction d’une nouvelle thérapie, les étapes de la théorisation de Freud qui aboutit elle aussi à une… structure globale, une histoire du processus cathartique depuis Mesmer et Breuer jusqu’à la somatanalyse, notamment.
Le troisième type d’écriture fleure bon le lyrisme avec les cas cliniques, avec mon expérience du tanking (caisson d’isolation sensorielle) et de la Présence Juste. En conclusion du livre, je me permets de reprendre un texte sur le bonheur tiré du livre A chaque jour suffit son bonheur. Cette quasi dissertation voudrait être la cerise sur ce gâteau bien studieux !
Ces styles et tons pluriels relèvent aussi du postulat structuraliste de pluriglobalité. Mais ici c’est à chaque lecteur d’en réaliser l’unité.
Le plan de cet ouvrage
Ce livre est construit sur plusieurs trames parallèles : le répertoire des méthodes et des théories, la méthodologie intégrative, le couplage méthode-pathologie, la fondation d’une anthropologie psychothérapique, l’humanisme de la clinique… jusqu’au bonheur, sans oublier l’écologie : ça fait beaucoup à la fois, d’où le besoin de présenter le plan du livre.
Le dit « envoi » est un résumé de la démarche intégrative.
L’introduction développe plus longuement cette même démarche qui fait l’essentiel de ce livre, insistant sur les quatre étapes historiques de cette approche.
La première partie du livredéveloppe la deuxième étape de l’intégration que j’appelle « recombinaison ». La plupart des grandes méthodes reposent sur l’emprunt de techniques et concepts existants, sur leur combinaison en un système original avec le risque de fermeture sur elles-mêmes. Il en va ainsi des psychanalyses, EMDR, Gestalt entre autres. J’en profite pour présenter mon expérience personnelle de recombinaison avec les trois somatanalyses : socio-, psycho- et auto-, en groupe, en duel et en solo. Il est important que notre démarche intégrative se fonde sur cette expérience de création des… 701e, 702e et 703e méthodes. C’est là que j’ai vraiment appris mon métier, de psychiatre, de psychothérapeute et d’analyste, grâce aux patients qui ont validé ces nouveautés. La transmission de ces acquis est très instructive.
La deuxième partie de ce livre saute à la quatrième étape de l’intégration, à la pléni-intégration, qui se caractérise par trois critères :
- la prise en considération de toutes les thérapies ;
- la théorisation méta-, au-delà des théories d’école ;
- l’intégration comme démarche personnelle qui ne se fige pas en une recombinaison systématisée.
Nous évoquerons les règles méthodologiques (déconstruire les méthodes en leurs « facteurs organisateurs »), évoquerons cette centaine de thérapies annoncée, avec l’analyse approfondie d’une demi-douzaine d’entre elles et organiserons tout cela en fonction du couplage méthode-pathologie. Trois paramètres esquissent l’art du couplage :
- l’usage et les conventions professionnelles,
- l’approche formelle par les facteurs organisateurs,
- le critère fonctionnel.
L’investissement de ce couplage (matching en anglais) pourrait compliquer et même brouiller cette présentation déjà suffisamment complexe. Certes. Mais il est en même temps consubstantiel à l’intégration. Cette dernière n’est pas une simple coquetterie scientifique. Le couplage méthode-pathologie constitue le but ultime de l’intégration : nous disposons des meilleurs outils, et nous pouvons poser les meilleures indications, sélectionner le bon procédé pour la maladie affichée. Au-delà de cet avantage clinique du psychothérapeute « à » l’intégration, se profile une nouvelle attribution : devenir un expert, un consultant qui recommande le type de thérapie appropriée à un patient qui cherche réponse, à un prescripteur qui demande conseil. Intégration et couplage s’imbriquent étroitement. La deuxième partie de ce livre jette les bases méthodologiques de l’une et de l’autre.
La troisième partie du livre, la plus développée, s’attelle à l’accompagnement théorique de cette démarche pratique. Je présente à nouveau les étapes de plus de trente années qui jalonnent ce cheminement jusqu’à aboutir au paradigme holanthropique, qui se constitue de cinq modèles qui se déclinent successivement :
- modèle ontogénétique, les étapes du développement personnel au nombre de six ; application de ce modèle, notamment aux étapes de la théorisation métapsychologique de Freud ;
- modèle ontologique, de quoi est constitué l’être humain ; ce modèle est centré sur les « purs processus inconscients » ;
- modèle complexification/plénarité ou comment vais-je assimiler toutes les nouveautés contenues dans ce livre !
- modèle ontothérapeutique ou proposition du processus thérapeutique de base ;
- modèle ontopathologique, élargissant la seule psycho-pathologie à onto-, à l’être entier, plénier, global.
Ces modèles sont agréablement illustrés par une plongée dans le caisson d’isolation sensorielle qui a révélé les purs processus inconscients avant l’heure, et par la présentation de la Gestalt thérapie comme intégration des années 1960 et de son inscriptions en nos modèles.
Le développement du paradigme holanthropique débouche sur le saut qualitatif que réalise l’intégration : l’intégralité est plus que l’addition des méthodes et théories intégrées. Ce dernier chapitre détaille et illustre le postulat structuraliste de pluriglobalité.
Mots savants (initiés par onto-) et tendres descriptions (expérientielles et cliniques) alternent agréablement. Pour terminer nous nous aventurerons du côté du bonheur, façon de répéter que tout cela est à la fois sérieux et léger, paradigmatique et artistique, à prendre et à laisser.
Car l’intégration des psychothérapies est conçue ici comme une démarche personnelle créative et évolutive. J’espère que ce livre réussira à transmettre ce message fondamental.
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