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Chapitre 14 : Le principe complexification / plénarité et le modèle ontothérapeutique

Conscience, inconscient et transconscient

Et les inconscients freudien et jungien ? Edelman ne les évoque qu’incidemment, pudiquement, reconnaissant que ce concept n’entre pas pour le moment dans sa théorie. Il rejette l’idée que ce pourrait être une entité, affublée d’un substantif. La conscience est un processus, une fonction complexe et globale ; il ne pourra donc y avoir que des “processus inconscients” comme dans le paradigme holanthropique. De plus, ce processus se caractérise par la combinaison de fonctions. En effet, la première topique freudienne (inconscient, préconscient, conscient) ne rend plus très bien compte de la fonction « conscience », qui n’est, finalement, qu’une des deux douzaines de fonctions de l’être humain, même si elle est d’importance majeure. La difficulté actuelle réside du côté du « conscient » et non pas du côté de « l’inconscient ».
Nous avons réévalué le cœur même de l’inconscient avec les « purs processus inconscients ». Il suffit d’y ajouter le lieu du « refoulé » cher à Freud pour rendre justice à ce concept emprunté à Schopenauer, Nietzsche et Théodor Lipps. Les progrès des connaissances actuelles, psychologiques et psychothérapiques, nous obligent à dévaluer, à présent, la part du « conscient ».
En effet le découpage fait par Freud réduit son "conscient" à un ensemble relativement exigu et réducteur qui ne rend pas compte de toute la richesse de la conscience élargie aux notions de champs de conscience et d’états de conscience… Le conscient est réflexif, rationnel, ordonné selon des règles logiques, intentionnel, chargé du savoir orienté vers l’efficace et l’action. Ce « conscient » là ne travaille qu’avec un tout petit nombre d’items comme nous l’enseignent les neurosciences. C’est la raison pour laquelle il est réduit et réducteur et qu’il dérape facilement en clivage et dissociation dans ce qu’on appelle parfois le mental et l’égo.
Or Freud fait du passage de l’inconscient au conscient le principe même de la psychanalyse, obligation reprise dans la deuxième tropique : « wo es war soll ich werden, là où était le ça, le moi doit advenir ». Cent ans plus tard, la psychothérapie a une toute autre conception : elle veut libérer de l’enfermement du mental, du contrôle (les défenses et résistances), du conscient freudien. C’est ce que nous prônons avec la notion de fonctions plénarisantes, d’expérience plénière et de pleine présence. Et quand nous nous servons des concepts freudiens, qui restent néanmoins des référents, nous utilisons aussi le signifiant « transconscient ». Un schéma très simple nous restitue cette nouvelle topique, « plénière ».
 
 schéma 53
Schéma 53 : inconscient, conscient et transconscient
 
Et voici la lecture du schéma :
-     la conscience est concernée par deux réalités, l’une intérieure, inconsciente, (le refoulé et les purs processus) l’autre extérieure, en partie présente et sûe, en partie absente et insue ;
-     le conscient « travaille » un petit nombre d’items de ces deux réalités, de par son fonctionnement même ;
-     le transconscient a un champ beaucoup plus large ; il englobe plus de réalité intérieure et extérieure y compris le conscient, à l’exception de la part la plus distinctive de cette dernière ; il s’agit d’un champ de conscience plein (sinon total), d’un état de conscience plénier (sinon plénipotentiaire).
Le signifiant « transconscient » est intéressant là où les concepts freudiens font référence. Il sert d’analogue assez fidèle à tout ce que nous appelons plein, plénier, plénarité et plénitude. Il n’a rien à voir avec le New Age (bien que le terme viendrait de Mircéa Eliade). Il est métapsychologique, sinon scientifique.
Cette proposition n’implique pas que ce soit Freud lui-même qui ait appauvri ces concepts. En effet, en revenant à son principe thérapeutique originaire, à savoir la catharsis, nous pouvons observer que lui aussi était dans le plénier, grâce à l’enseignement reçu de son mentor Joseph Breuer et que nous avons déjà lu ci-dessus :
            “Chacun des symptômes hystériques disparaissait immédiatement et sans retour quand on réussissait à mettre en pleine lumière le souvenir de l’incident déclenchant, à éveiller l’affect lié à ce dernier et quand, ensuite, le malade décrivait ce qui lui était arrivé de façon fort détaillée et en donnant à son émotion une expression verbale”. (Breuer et Freud p. 24)

 

 

 

                                                                                                                                    (Meyer 1982 p. 62)
 
            C’est avec ce concept Freudo-Breuerien que j’ai inauguré ma réflexion sur la psychothérapie il y a trente ans. Quel bonheur que de le retrouver en aussi bonne place comme un “présent remémoré” et à peine réactualisé !
            Quelle que soit la difficulté à transmettre en si peu de mots la théorie d’Edelman, à la fois simple et complexe, il nous reste à répéter qu’avec elle nous pouvons réellement fonder le paradigme holanthropique en science. Mais, comme nous l’avons déjà évoqué, la pleine intégration - des pratiques et des théories - ne se fera vraiment qu’en la personne du thérapeute/analyste.
Auparavant, revenons encore à la pratique et à la clinique, au plus près de ces patients qui sont notre raison d’être. Car l’expérience plénière n’est évidemment pas le tout de la cure. Il y a des stades préparatoires, il y a des étapes ultérieures, de répétition de ces expériences, jusqu’à l’aptitude à la “pleine présence” qui est à la fois guérison et bonheur.
 
 

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