Pysch'Inté

Table des matières

Chapitre 16 : L’intégralité est plus que l’addition des méthodes et théories intégrées

L’effet d’intégralité : un saut qualitatif dans les quatre dimensions de la psychothérapie

Après les réserves d’usage, après les esquisses de falsification ou, du moins, après les indications sur les lieux où pourrait se faire cette remise en question, nous pouvons aborder l’essentiel, à savoir ce saut qualitatif qu’opère l’effet d’intégralité. Nous postulons que cette intégralité est acquise même si elle est à parfaire ou, du moins, que cette intégralité est suffisante pour produire son effet spécifique : la somme est plus que l’addition de ses parties.
            Rappelons les conditions de cette intégralité :
- la prise en considération de toutes les méthodes et théories (éthiques et    déontologiques) ;
- le respect du principe des types logiques et le décalage en méta- ;
- l’interaction constante avec la clinique et, plus récemment, avec la formation des thérapeutes.
 
L’effet d’intégralité opère dans les quatre dimensions de la psychothérapie, au niveau des :
- méthodes, comme saut méthodique,
- théories, comme saut épistémique,
- psychopathologies, comme saut ontopathique,
- pratiques, comme saut créa-praxique.
 
Ce long texte a bien établi les trois premiers acquis (méthodique, épistémique et ontopathique) que nous ne réévoquerons que rapidement pour développer le quatrième point plus nouveau : le saut praxique.
 
Le saut méthodique
 
La prise en considération de tous les grands courants de la psychothérapie nous a permis d’extraire les constantes et les invariants de toute méthode sous la forme des facteurs organisateurs (F.O.) En répondant aux exigences de tous ces facteurs, nous arrivons à la création d’une pratique pluri-globale (dont le contenu particulier peut varier, signe de l’ouverture décrite).
            En insistant sur le facteur durée, nous débouchons sur la cure séquentielle qui dépasse toutes les polémiques entre écoles en insistant sur la différence et la complémentarité temporelles.
            Il s’agit là d’un véritable saut qualitatif qui nous permet de nous situer en une quatrième étape du mouvement intégratif, après les juxtaposition, recombinaison et éclectisme multi-référentiel. Il n’y a pas lieu de revenir plus longuement sur ce premier point.
 
Le saut épistémique
 
            Nous observions déjà que la prise en considération des principales théories est beaucoup plus difficile que celle des méthodes, ces dernières peuvent s’accaparer éclectiquement mais les premières ne s’acoquinent pas aussi aisément. Le cognitif est plus opiniâtre que le comportemental, tout comme les thérapies cognitives sont de durée plus longue que les thérapies comportementales. L’erreur réside dans cette tentative de les fusionner au lieu de passer au niveau méta-. On peut évidemment rapprocher le cognitivo-comportemental et la psychodynamique puisque c’est complémentaire.
            Passer en méta-, c’est transcender les théories spécifiques pour fonder au-delà :
-         le modèle ontologique qui accueille les comportements et l’inconscient, le cognitif et le corporel, le duel et le groupal, entre autres ;
-         le modèle ontogénétique, construit sur le critère relationnel qui permet aussi de sérier les étapes de la théorisation freudienne, par exemple ;
-         les processus complexification/plénarité et ontothérapeutique qui situent dans le développement personnel et dans la guérison, le même principe du saut qualitatif que dans l’effet d’intégralité.
-         Le modèle ontophathologique qui dispose en un seul tableau les principales maladies.
 
Nous n’avons pas plus à insister sur ce deuxième point largement développé dans la troisième partie de ce livre, si ce n’est pour préciser ce qu’apporte ce saut qualitatif. Chaque élément constitutif de ces modèles et processus peut être discuté ou même falsifié isolément, par exemple le point d’impact de chaque séquence temporelle (courte, moyenne, longue) sur la dimension cible (qualité de vie, traits de caractère ou cadres de vie). Il y a, de toute façon, les exceptions et les nuances. Mais l’intégralité donne une valeur supplémentaire à chacun de ces points et le valide, au-delà des opinions communément admises, du simple fait de la mise en perspective globale. Si la psychanalyse veut accéder aux processus inconscients, et si le comportemental s’assigne les qualités de vie, il reste les traits de personnalité troublée aux thérapies de durée moyenne. C’est l’effet de différenciation qui joue ici, nous faisant entrer dans la dimension structurale et la méthode structuraliste.
            Rappelons-nous aussi que ces modèles n’ont pas été construits au forceps, produits à la force des méninges. Non. Ils ont émergé spontanément sinon dans la surprise, kairos, lorsque l’ensemble était prêt :
- le modèle ontogénétique m’est apparu en contemplant -rêvassant sur- les schémas structuro-fonctionnels ; une nouvelle structure s’est imposée au détour du jeu sur les fonctions ;
- le modèle ontologique ne s’est réalisé qu’avec la découverte des purs processus inconscients, vingt ans plus tard ;
- le principe complexification/plénarité doit sa qualité principale à la cause de René Thom, à la théorie des catastrophes.
 
Il y a du structuralisme à l’œuvre comme pour ma thèse d’ethnologie. Si donc l’établissement des modèles épistémiques se fait dans une réorganisation subite des éléments constitutifs, l’effet de ces modèles intégraux offre un saut qualitatif tout aussi subit. Il s’y recèle une cohérence, une structuralité, un au-delà qui charrie autant de vérité que de beauté. En effet, l’esthétique est le critère et la preuve de l’aboutissement de cette structure. Et la simplicité aussi. Et la transmissibilité. L’accueil d’un modèle par mes élèves me montre si ce dernier est achevé ou pas.
L’effet d’intégralité est donc un effet de structuralité. Mon maître Lévi-Strauss m’a montré le chemin en anthropologie mais Freud déjà avec sa deuxième topique (moi, ça, surmoi) et Lacan par la suite ont surfé sur les bénéfices de la structuralité. Pour ma part, ce n’était nullement un propos délibéré. Ça s’est fait tout simplement. Cela nous montre que la vie, que la constitution et le fonctionnement humains s’organisent autour de structures simples, cohérentes, esthétiques, que nous avons à repérer. Tout à coup elles se dévoilent, s’imposent, facilitent la vie et sa compréhension, donnant par là validation à ce nouveau modèle. Ces considérations doivent nous aider à aborder la troisième dimension, la plus fragile encore.
 
Le saut ontopathique
 
         Bien que promis au deuxième tome de cette œuvre, le modèle ontopathologique a été dévoilé ci-dessus et son mode de déconstruction aussi en ses « paramètres diagnostics » (P.D.). Pour le moment, nous en connaissons trois :
-         le degré de gravité, en trois degrés,
-         la polarité structure-fonction,
-         la temporalité de mise en place et/ou de manifestation pathologique.
 
Ces premiers critères permettent de situer toutes les grandes pathologies de nos manuels athéoriques, comme nous le savons à présent. Laissons opérer ici encore l’effet d’intégralité et son saut ontopathique.
Là encore émerge une structure cohérente jouant les différences, les opportunités et les interrelations dégagées par la méthode structuraliste. Mais il se dégage beaucoup plus encore un enseignement magistral : la psychopathologie est elle aussi ordonnée, structurée, en interrelation. Les quelques douzaines de grandes pathologies ne sont pas jetées là au petit bonheur la malchance… Il y a des règles, des cohérences, comme notre tableau le laisse voir.
 
Voilà un effet étonnant, et réjouissant, du saut qualitatif effectué par l’intégralité.
 
Le saut créapraxique
 
Les trois premières dimensionsde la psychothérapie évoquées jusqu’à présent ne constituent que 30 à 40% de son efficacité ; nous le savons à présent. Le thérapeute en sa praxis et sa reliance conserve 60 à 70% de cette fonctionnalité. Et là encore l’effet d’intégralité opère son saut qualitatif : il amplifie la liberté d’action et de relationnalité, il élargit le champ de créativité, il restitue pleinement la part de 70% d’efficacité qui lui échoit.
Nous n’avons pas assez abordé la situation de la personne même du thérapeute. Nous resterons encore relativement bref, schématique, structural, en opposant la situation du thérapeute d’une seule méthode et le praticien en démarche intégrative.
Lorsque je pratique une seule méthode, quand je suis adepte d’un seul courant thérapeutique, je possède une technique qui est étroitement imbriquée à une théorie, les deux définissant des indications thérapeutiques très précises. On pourrait représenter cette étroite cohésion par le schéma suivant :
 

 

schéma 62 

Schéma 62 : la symbiose de la méthode unique
 
L’illustration (par l’absurde) nous vient par la malheureuse guerre des écoles qui a fourbi le « livre noir de la psychanalyse » et sa contre-attaque, « l’anti-livre noir de la psychanalyse ». Deux blocs se font face, persuadés de leur bon droit et de leur cohérence praxo-théorético-clinique.
En face, on doit concevoir l’effet d’intégralité qui libère entre les trois dimensions praxo-théorético-clinique un large espace de liberté et de créativité.
 
schéma 63  
Schéma 63 : le saut créapraxique de la démarche intégrative
 
En effet, il n’y a pas de référence unique et obligatoire entre méthode, théorie et clinique. Il y a des couplages chaque fois particuliers. Il y a des accordages chaque fois congruents.
 
 tableau 39
Tableau 39 : la double créativité de la praxis intégrative
 
Ce champ de liberté peut connecter une méthode avec une théorie venue d’ailleurs par l’intermédiaire des bases méta-. Il peut rapprocher une pratique d’une indication originale grâce à un aménagement de la pratique. Cette liberté se gagne peu à peu à travers l’assurance que donnent la richesse de l’intégration et les résultats cliniques assurés par un bon couplage et des accordages justes.
Mais cette créativité laisse aussi de la place au doute, à l’hésitation, à la peur de ne pas trouver… A ce moment, on peut se référer au systémisme et à ce qu’il appelle la « position basse » : « ok, en ce moment je ne sais pas, j’hésite, acceptons-le, ça veut sûrement dire quelque chose, ça viendra ».
Pour être créatif, il faut être libre. Pour être libre, il faut que la place ne soit pas déjà occupée ! Pour trouver, il faut un temps mort, du vide, de l’ennui, puis de l’angoisse, jusqu’à ce que, eurêka, l’intuition surgisse et l’acte s’ensuive.
Mais il faut cet espace vide, libre, créatif, praxique. C’est ce qu’offre l’effet d’intégralité au niveau de la praxis, en termes de créativité. Et le patient ? Et son histoire personnelle ? Ils trouvent exactement la même place dans cette faille des structures.
Ce saut créapraxique fait passer le thérapeute/psychanalyste dans l’intégrité.
 

    Haut de page

    Table des matièresSection suivante >>