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Chapitre 2 ; Les courants psychothérapeutique et psychiatrique de la psychopathologie

Psychopathologie structuraliste

 Ma thèse de doctorat en sociologie/ethnologie est construite sur la méthode structuraliste de Claude Lévi-Strauss : Bisexualité, inceste et prohibition de l’inceste, analyse structurale et psychanalyse du mythe dogon. Il ne faut donc pas s’étonner que je salue de tout cœur le chapitre que Serban Ionescu consacre à la psychopathologie structuraliste. La suite de mon ouvrage montrera amplement que l’approche structuraliste m’est fermement chevillée au corps. Et pourtant on n’en parle pas beaucoup de ce courant structuraliste à propos de notre thème. Nous devons donc évoquer rapidement ce que c’est que le structuralisme, citer les psychiatres et psychothérapeutes qui l’utilisent et donner un exemple fort instructif emprunté à Jean Bergeret.

« Piaget (1970) note deux aspects communs à tous les structuralismes : ‘d’une part, un idéal ou des espoirs d’intelligibilité intrinsèque, fondés sur le postulat qu’une structure se suffit à elle-même et ne requiert pas, pour être saisie, le recours à toutes sortes d’éléments étrangers à sa nature ; d’autre part, des réalisations, dans la mesure où l’on est parvenu à atteindre effectivement certaines structures et où leur utilisation met en évidence quelques caractères généraux et apparemment nécessaires qu’elles présentent malgré leur variété.’ » (Ionescu p. 193).

Reprenons : « une structure se suffit à elle-même ». Exemple : depuis 2500 ans, comme le montre notre historique, quatre structures pathologiques s’imposent d’elles-mêmes, mania, paranoïa, phrénitis, melancolia. Elles ont des « caractères généraux malgré leur variété » : phrénitis, démence précoce, schizophrénie, psychose délirante ne sont que des dénominations variées de (presque) la même chose.

Il découle de cette structure des caractéristiques fondamentales : « ‘En un mot, une structure comprend ainsi les trois caractères de totalité, de transformations et d’autoréglage.’ Piaget rajoute que la découverte d’une structure doit pouvoir donner lieu à une formalisation » (p. 193). Ceux qui auront lu le chapitre sur la Gestalt-thérapie dans le tome I retrouveront ici l’illustration de la structure : la Gestalt est un ensemble qui se transforme en mettant en avant-plan l’un de ses éléments en équilibre avec l’arrière-plan. Ces caractéristiques se formalisent dans le cercle de la Gestalt. 

C’est Wilhelm Wundt qui a fondé l’école structuraliste de psychologie. La psychologie de la Gestalt a apporté une part appréciable à l’édifice comme nous venons de le voir. « Les débuts de l’approche structuraliste en psychologie sont aussi liés aux travaux de l’école connue sous le nom de « psychologie de la Gestalt » (Koffka, 1935 ; Köhler, 1947), du mot allemand qui signifie « forme », « organisation » ou « configuration ». La « forme » correspond à la manière dont les parties sont arrangées dans le tout. La valeur de chaque élément est déterminée par sa participation à l’ensemble ; une fois intégré, il n’existe plus que par le rôle qu’il joue » (p. 194).

Beck, que nous avons tout juste évoqué, « a centré son intérêt sur la structure de la dépression et, plus particulièrement, sur la relation entre cognition et affect. Les cognitions (pensées et images visuelles) du patient sont basées sur des structures cognitives (schémas), c’est-à-dire des patterns de tri, de différenciation et de codage des stimuli » (p. 195).

 

  • Les structures psychopathologiques

  •  « Le thème des structures psychopathologiques sera illustré à partir des travaux de Bergeret, professeur à l’université de Lyon II, sur les structures psychotiques, névrotiques et sur les organisations états-limites » (p. 196).

    Selon Bergeret, « la structure psychique s’organise, se « cristallise » progressivement au cours du développement post-natal. Le résultat en serait une structure stable, d’un type ou d’un autre. La stabilité implique l’impossibilité de passer d’une structure psychopathologique à une autre, à partir du moment où la structure en question s’est constituée » (p. 196).

    « Il y a deux grandes structures de base : psychotique et névrotique. La lignée structurelle psychotique a comme point de départ des frustrations très précoces, tirant leur origine essentiellement du pôle maternel. Chronologiquement, la structuration psychotique se passe au cours de la phase orale ou pendant la première partie de la phase anale (de réjection). Un Moi qui a subi de sérieuses fixations ou qui a régressé ultérieurement à ce niveau, se préorganise selon la lignée structurelle psychotique. Une ligne de partage (divided line), décrite pas Abraham, sépare les fixations et régressions psychotiques des fixations et régressions névrotiques. Elle se situe entre le premier sous-stade anal (de réjection) et le second sous-stade anal (de rétention). Exceptionnellement, à l’adolescence, un sujet peut quitter la lignée psychotique préstructurée et dévier vers une lignée de structuration définitive de type névrotique » (p. 197).

    Les structures schizophrénique, paranoïaque et maniaco-dépressive s’installent en amont de la ligne de partage. Les structures obsessionnelle puis hystérique se constituent après la divided line. Quant au borderline, il « se plante » sur la ligne. « Dans le cas des états-limites, le Moi dépasse la période où aurait pu se produire une préorganisation de type psychotique, c’est-à-dire la période allant jusqu’à la ligne de démarcation entre le premier et le second sous-stade anal. Le Moi poursuit son chemin vers l’Œdipe et, le plus souvent, au moment du début de l’Œdipe, se produit ce que Bergeret appelle le « traumatisme psychique précoce » : l’enfant rentre trop brutalement, trop précocement, trop massivement, dans une situation œdipienne » (p. 197).

    La reconnaissance de ces trois grandes familles de pathologie mentale comme structures, permet à Bergeret de les caractériser selon cinq critères empruntés à la métapsychologie freudienne.

    « Dans un effort de synthèse, Bergeret compare les structures névrotiques, les structures psychotiques et les organisations limites en fonction des cinq critères suivants : (1) l’instance dominante ; (2) la nature du conflit sous-jacent ; (3) la relation d’objet ; (4) la nature de l’angoisse ; (5) les principales défenses utilisées.

    L’instance dominante dans les structures psychotiques est le Ça, qui se trouve en conflit avec la réalité. La relation d’objet est plus ou moins fusionnelle à la mère, selon les variétés de psychoses. Le sujet à structure psychotique présente une angoisse profonde, centrée sur le morcellement, la destruction, la mort par éclatement. L’angoisse de morcellement est une angoisse sinistre, de désespoir et de repli. Les principaux mécanismes de défense psychotiques sont le clivage du Moi (intérieur au Moi) et le déni de la réalité.

    Dans le cas des structures névrotiques, l’instance dominante est le Surmoi qui se trouve en conflit avec le Ça. La relation d’objet est génitale et l’angoisse est de castration. Il s’agit là d’une angoisse de faute, dirigée vers un futur anticipé sur un mode érotisé. La principale défense utilisée est le refoulement.

    Dans les organisations limites, l’Idéal du Moi constitue le véritable pôle autour duquel s’organise la personnalité. Le conflit spécifique à ces organisations oppose l’Idéal du Moi au Ça et à la réalité. La relation d’objet est anaclitique (étymologiquement « se replier sur », « incliner vers », « se coucher contre »). Le sujet organisation limite doit s’appuyer sur son interlocuteur, sur son partenaire indispensable. Il s’agit d’une relation de grande dépendance, vécue et jouée à deux. L’anaclitique est en attente passive et quémande des satisfactions positives de la part de son partenaire et, en même temps, procède à des manipulations agressives, évidentes ou non, de ce partenaire. L’angoisse particulière à l’organisation limite est l’angoisse de perte d’objet, l’angoisse de dépression. Elle survient dès que le sujet imagine que son objet anaclitique risque de lui faire défaut, de lui échapper. Parmi les mécanismes de défense, l’organisation limite doit recourir principalement au clivage de l’objet et à la forclusion » (p. 198).

    J’évoquais la métapsychologie freudienne pour cette caractérisation des trois structures principales. Mais on peut tout aussi bien y reconnaître les descriptions athéoriques des DSM et CIM.

    Pour notre part, nous devons souligner la temporalité, la succession de l’apparition de chacune de ces structures, leur ontogénèse en d’autres mots :

    • psychose avant l’Œdipe,

    • névrose après l’Œdipe,

    • état-limite juste avant et un peu à cheval sur l’Œdipe.

    Le modèle ontopathologique esquissé à partir de la polarité fonction-structure, force-tension se complète du vecteur ontogénétique comme suit avec les étapes de vie propres au paradigme holanthropique.

     

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