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Chapitre 4 : La psychothérapie et la psychopathologie en 2008

La psychose aiguë

C’est à un niveau plus précisément professionnel, à savoir psychopathologique, que les purs processus inconscients nous interpellent, à savoir dans les psychoses aiguës et bouffées délirantes. En effet, quoique les déroulements de ces épisodes soient décrits de façons assez différentes jusqu’à déboucher sur des nosographies apparemment contradictoires, on peut extraire des principales théories psychiatriques une trame commune qui est précisément celle… des processus en question.

C’est ce que la lecture d’un texte de J. Moya i Olle sur « la naissance de la psychose, les voies de la formation du délire » nous permet d’observer. Les auteurs résument les grandes conceptions de ce syndrome et y distinguent plus précisément des étapes qui ne sont pas sans nous intéresser. Encore faut-il se rappeler qu’il s’agit ici de pathologie, douloureuse en soi, mais aussi voluptueuse au fond, bien que les psychiatres hésitent à parler du bon, du vrai et de l’aimer en pareil contexte. Pour nous, il faut distinguer, pour chaque étape, la dé-structuration puis l’éveil processuel, pour chacune des trois étapes centrales : de l’énergie, de l’esprit, du lien. Voici d’abord une mise en tableau de cinq des descriptions résumées par les deux auteurs qui se réfèrent à des théorisations bien connues.

Tableau 7 : les trois étapes de la psychose aiguë et de l’IPI.

 Tous les concepts, tous les termes de ce tableau sont repris au mot près du texte des auteurs. Pour ne paraphraser que succinctement, j’évoquerai que :

 

  • la première étape est très corporelle, y compris voluptueuse, donc énergétique ;

  • que la seconde est psychique et sans structure : pas de signifiant, pas de repère, de savoir, mais une production paranoïde qui va jusqu’à la certitude ;

  • la troisième se re-constitue autour de choses organisées, délire systématisé, vécu de grandeur, de beauté, d’archétype, jusqu’au pur amour (si les psychiatres se laissent aimer !).

J’ai escamoté la quatrième étape, de chronicisation, qui n’entre plus dans notre étude de la psychose naissante, processuelle, réversible. Jusque là, tout est encore souple et fluide, et donc amendable, ce qui nous intéresse au plus haut point parce qu’une bonne expérience personnelle de ces trois processus inconscients permet de comprendre, de « s’accorder » au patient qui fait le même parcours, bien que chaotiquement. Et si, de surcroît, on a à sa disposition des techniques corporelles, ou tout simplement la capacité de toucher, tenir, contenir, et si toute une équipe soignante peut le faire pendant les premiers jours de la bouffée, le pronostic de ces psychoses naissantes continuera à s’améliorer. Car tout se passe au-delà des mots, des logiques et des conditions. Ça peut-être beau et constituant, sinon c’est tragique et définitivement déstructuré. Tout dépend de la bonne compréhension de cette « irruption des processus inconscients (I.P.I.).

Et pour asseoir la pertinence de cette I.P.I, il m’est agréable d’appeler à la rescousse la psychiatrie officielle qui, dans la dernière livraison de la revue Psychiatrie Française, évoque la cure de Sakel d’autrefois, à savoir la provocation d’un coma artificiel par injection d’insuline. Voici ce qu’un patient en rapporte :

« Lorsque j’étais dans ces comas provoqués, apparaissait mon grand-père paternel, vêtu d’un costume sombre, son visage resplendissant. Mais, avant de le découvrir, il fallait me laisser guider par une lueur m’indiquant un genre de chemin à emprunter.... Ce chemin ressemblait à un long couloir bleu turquoise. C’était étrange, il semblait ne pas être délimité sur les côtés... J’étais dans un monde totalement imaginaire, qui était d’une beauté incomparable, j’en éprouvais du plaisir, un bien-être que je n’ai jamais retrouvé dans un état conscient ». Et que répond le médecin prescripteur ? « Sur la cure de Sakel, certainement il y a des ressemblances entre l’état d’inconscience dans l’Expérience de Mort Imminente et le coma durant la cure de Sakel » (Rumen p. 11 et 14).

Cette longue description des « purs processus inconscients » ne sera pas nécessairement convaincante parce qu’elle est trop résumée d’une part et qu’elle nécessite une expérience vécue d’autre part. Mais le psychothérapeute expérimenté s’y retrouvera. Pour notre part, il ne nous reste qu’à évoquer que l’ensemble de ces conceptions ne nous est venu qu’après une vingtaine d’années de pratique et de réflexion, que l’association des purs processus et de l’inconscient a été bouleversante, et qu’il a encore fallu penser au mot « constituant » pour donner toute la valeur à ces processus.

Si déjà on prend le risque de dé-structurer, de purifier des structures rigides, encore faut-il relayer par autre chose : ces processus « constituent » le sujet par l’intérieur, de façon dynamique, authentique, en énergie, en esprit, en amour. Les analystes le savent. C’est l’avènement du sujet, c’est l’individuation. Il reste à rappeler que cet accès aux processus se fait par différents moyens, par des pratiques plurielles, dans des cadres thérapeutiques multiples, mais qu’il reste privilégié en analyse où la longue durée évite de plaquer des structures de remplacement (intellectuelles, relationnelles, new age, sectaires même) et laisse le temps au temps, le temps de la constitution personnelle » (Meyer 2008).

Voici une partie de cette intégration théorique autour des processus inconscients. Certes, sorti du contexte, cet extrait n’est pas immédiatement compréhensible. Mais je tenais à montrer que le « paradigme holanthropique » qui découle de cette épistémologie intégrative concerne tout le champ de la psychothérapie et tout le champ de la psychopathologie – ici du côté des psychoses aiguës.

En effet, la définition très précise des trois étapes du processus inconscient permet la constitution d’un modèle « ontologique », à côté des autres modèles : ontogénétique, ontothérapeutique et ontopathologique. Nous préférons la référence à l’être global (ons, ontos) plutôt qu’au seul aspect psycho- de l’être. 

 

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