Chapitre 4 : La présence juste et le processus de la présence Présence Juste : l'accès aux purs processus énergétique, véridique et affectif Quand on s'est beaucoup entraîné à la relaxation, de Schultz par exemple, la vague de détente traverse le corps dans les secondes qui suivent la mise en condition, à la seule évocation de l'induction: lourd, chaud ....
Quand on s'est autant habitué à '' l’arc énergétique " des orientaux, repris par Lowen comme '' position de l’axe ", les secousses musculaires s'ébranlent dès la prise de posture et les vibrations énergétiques s'ensuivent rapidement.
II en va de même ici : la présence juste s'installe vite. La locomotive n'a même plus besoin de sortir ses ailes. Il n'y a même plus de locomotive nécessiteuse de rails. Il suffit d'une prise de posture, de l'ajustement de la présence, et il s'ensuit des effets rapides et presque automatiques. Il suffit que la posture adéquate s'accompagne d'une respiration élargie, de calme mental et d'une certaine intériorisation et... ça vient.
La pratique " hors protocole "
Plus besoin de protocole, ça se fait '' hors protocole ", comme le ski se fait " hors piste "' et le cyclisme dans les cols "hors catégorie". Ça descend tout seul, ça grimpe (presque) gaiement. En réalité la technique du sportif s'applique encore plus ici et, à ce niveau, c'est même de l'art, du grand art.
Aussi ne peut-on pas dire qu'il n'y a plus de protocole, qu'il n'y a plus les trois cycles avec leurs quatre points cardinaux. Ça continue à glisser presque tout seul (posé), à grimper tout aussi aisément (grand). En fait, il faut bien comprendre que le protocole de la Présence Juste n'est pas une " structure "' mais, au contraire, un ensemble d'actings qui allègent les structures. Abandonner le bas du corps au sol, laisser monter le haut du corps vers le soleil comme un arbre qui y cherche la chaleur, ça fait lâcher la structure corporelle. Par contre, l'application compulsive des actings du protocole peut devenir rigide, rituelle, structurante, et donc étouffer le processus à éveiller. De là, les sempiternelles recommandations de toutes les traditions : il ne faut pas vouloir, pas maîtriser, mais lâcher-prise ; pas de saisie ; abandonnez-vous à la volonté (de dieu ou du maître,) soyez humble et modeste, prenez la position basse.... En fait, le " hors protocole " n'est autre qu'une attitude plénière déjà acquise qui intègre directement les effets des actings sans avoir besoin de les conscientiser longuement.
Et ce qui s'observe alors en soi, c'est l'avènement de phénomènes quasi spontanés que nous appellerons " purs processus " ; c'est de la vivance sans guidance, de la jouissance sans maîtrise, du fonctionnement sans structure. Nous savons déjà que guidance, maîtrise et structure ne sont pas absents mais tout simplement inutiles à ce moment là parce que le processus se déroule dans son "ordre intrinsèque ", tel qu'il le faut, tel qu'il le fait depuis des milliers d'années chez l'être humain de toutes cultures et de toutes régions du globe. En effet, les "purs processus" qui s'actualisent sont universels et il n'est pas anodin que la Présence Juste y accède comme toutes les autres pratiques de ce genre, de relaxation poussée, d'éveil énergétique et de méditation. Evoquons les trois principaux de ces processus, l'énergétique, le véridique et l'affectif.
Le " pur processus énergétique " est bien connu des somatothérapeutes et des méditants et même du vieillard qui prend le soleil pendant des heures, devant sa maison. Je m'assieds en tailleur, la colonne droite, dans mon petit coin bien calme, lâche la tête et me tourne vers l'intérieur. Après une à deux minutes, un endroit du corps se met àse remplir d'une douce énergie, àpulser cette sensation au-delà, à la diffuser dans tout le corps.
Dans les premières années de pratique, ça s'éveillait d'abord dans le périnée et montait sagement le long de la colonne comme l'enseigne l'Orient avec son image du serpent kundalini. Arrivé dans le crâne, le serpent y répand une douceur qui se transforme en félicité et prend la place de la pensée. Puis elle se déverse dans le reste du corps en descendant très lentement. Aussi longtemps que je peux rester dans cette pure douceur et cette absence de pensée, c'est divin.
Après quelques années, ça s'éveillait plutôt dans le crâne et, au début, je loupais cet éveil parce que je l'attendais ailleurs, en bas. Maintenant, ça peut démarrer n'importe où, à condition de ne pas attendre à un autre endroit !
Tant que c'est pure douceur, circulation lente et diffusion totale, clarté et couleur, la volupté est maximale. Parfois je sens des soubresauts dans le tronc comme des extrasystoles. D'autres fois cela se stabilise, se répète, entre dans une certaine routine. Il y a dans ce dernier cas un retour de structure qui prend le pas sur le processus... Je peux alors arrêter la pratique et retourner à mes occupations ou recourir au protocole pour recommencer selon les règles... Mais je me sens en tout cas transformé et tout autre pour aborder à nouveau l'extérieur.
Le pur processus spirituel ou "nature de l’esprit"
C'est quand le mouvement énergétique submerge plus massivement le cerveau, au-delà de la douceur et de la félicité évoquées ci-dessus, que la structure mentale cède dans des manifestations très proches du tunnel noir, mais néanmoins atténuées : obnubilation de l'esprit, envahissement par une obscurité plus ou moins opaque, déferlement de la vague d'endormissement qui nous emporterait vers le sommeil comme dans un brouillard noir. Quand on sait résister au sommeil et qu'on reste dans la posture, on sort lentement de l'éclipse et découvre la clarté, la lumière, l'éclat du soleil. Le cerveau devient lui-même lumière, soleil et rayonnement. Il faut qu'elle sorte, cette lumière, qu'elle se répande, enrichisse alentour et entourage, se renforce dans la lumière du maître que l'on peut visualiser en face de soi. Parfois ce sont de pures plages de couleur, vives et lumineuses. Puis ce flamboiement envahit le reste du corps en descendant lentement de centre énergétique en organe de communication selon le cheminement évoqué dans le protocole (cycle 1, étape 4) transformant tout le corps en corps de lumière.
Une grande volupté accompagne cette lumière et la présence reste juste ; on est là, présent, capable d'intégrer ce qui peut se passer d'imprévu. II s'agit de rester dans cette présence plénière, riche et sobre à la fois, exaltante et simple tout autant. C'est “pur ” processus, sans forme, sans structure, sans intention ni but hors du temps, sinon éternel. C'est, tout uniment.
Selon le contexte de vie (période calme ou préoccupée), cet être de lumière et de jouissance se maintient plus ou moins longtemps. Si on s'écarte de ce pur état d'être, la structuration se réinstalle et c'est, paradoxalement, en passant à la production imaginaire (les images ayant des formes et les pensées s'inscrivant dans des concepts et des mots).
Alors s'imposent des images, des personnages (cycle II étape 5), des paysages (cycle III, étape 9), des considérations éthiques (étapes 10 et 11), des intuitions plus ou moins essentielles (étape 12). Pour les personnes qui ont une visualisation prédominante et une créativité débordante, il y a incursion dans le paradis de l'E.M.I. avec la luxuriance qui sera décrite dans la troisième partie du livre.
Mais c'est la dimension affective qui caractérise fondamentalement ce qui correspond ici au quatrième palier de l'E.M.I... Quand la lumière descend dans le corps jusqu'au cœur, elle allume un sentiment d'amour ineffable. En fait, on accède là à un troisième processus hors structure, le " pur processus affectif ".
Le " pur processus affectif " ou "l’intime du lien"
C'est lui d'ailleurs qui vient redonner les formes aux images, les visages aux personnages, le paradisiaque aux paysages. L'affectif se libérant de plus en plus fait advenir ses objets privilégiés: les êtres aimés, vivants et morts, les ambiances de rêves amoureux. Lorsqu'il y a évocation d'événements de vie, ces événements sont ressentis comme augmentant ou diminuant le sentiment d'amour et prennent ainsi une couleur morale. S'ils l'augmentent, ils étaient bons ; s'ils le diminuent, il y avait faute. Nous sommes ici aux origines des processus les plus nobles de la civilisation : sentiments sociaux, éthiques, mystiques et religieux. Qu'il y ait sécrétion d'ocytocine, la toute nouvelle hormone de l'amour, comme il peut y avoir libération d'endorphine dans le " pur processus énergétique " et de mélatonine dans l'obscurité de l'esprit, ne change rien à l'affaire. Ce serait plutôt plus rassurant que d'en rester au " meurtre du père ", ce mythe freudien qui aurait présidé à la naissance de la civilisation !
Puis se précise le point de (non) retour, sous des formes diverses : fin du temps de séance programmé, retour d'une vigilance qui dispose à retourner à ses occupations, sensation d'achèvement de la pratique ou, plus prosaïquement, irruption de la vie extérieure qui nous rappelle à nos responsabilités citoyennes. Mais on se sent bien, profondément calme, stable et assuré, heureux dans son corps, serein dans sa tête, aimant dans son cœur. Et cela, c'est un changement intense qui transforme toute la période qui va suivre, puis toute la vie, imperceptiblement. La valeur thérapeutique / analytique de cette pratique découle de là. L'efficacité, si tant est qu'il faille la rechercher, se déduit des trois effets suivants :
- durabilité de cet état de bien-être,
- justesse de la présence à la situation sociale (ou familiale) dans laquelle on retourne,
- empathie et bienveillance, sinon amour, envers les personnes que l'on retrouve.
Ces trois qualités sont autant de critères qui nous permettent d'évaluer si l'on pratique correctement, dans le but de s'ouvrir aux autres et non pas pour se replier sur soi.
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